La Divine Pagaille
entre Terre et Ciel
PENSEES : TENEZ-VOUS TRANQUILLES
« J’ai beaucoup d’amitié pour les idées en général, j’en ai encore plus pour les miennes propres, hélas !
Mais je crois savoir aujourd’hui que les idées ne sont pas toujours à leur place où nous les mettons, c’est-à-dire dans le moindre de nos gestes. Nous ferions souvent bien mieux de faire le geste d’abord.
Au fait, le geste, d’habitude, ne nous attend pas : ce sont nos idées qui lui courent après, et d’autant plus vite que nous sommes intelligents, comme on dit dans la bonne société. Eh bien, je le répète, nos idées ont souvent, ont presque toujours tort, non pas d’exister, mais de faire un métier qui n’est pas le leur, de se jeter dans nos jambes, de nous barrer le chemin, de se précipiter en tiers dans toutes nos rencontres.
Nos rencontres avec la réalité n’ont pas à être d’abord des rencontres d’intelligence, mais de réalité.
Si nous disions à nos idées, à nos opinions, à nos jugements, à nos habitudes, à notre démangeaison de savoir avant de connaître : «Tenez-vous tranquilles, les amis! Je vous appellerai dans un instant», aussitôt, notre perception de l’univers serait bouleversée de fond en comble. Nous ne le reconnaîtrions plus, notre vieux monde.
Et il ne serait plus fatigué ni incohérent.
Ce serait une vraie révolution celle-là et pas seulement politique.
À la place de ce charroi d’objets morts, d’objets composés et décomposés, dont notre monde est endeuillé à chaque seconde, à la place de ces faits isolés, de ces consciences isolées, de ces monceaux et tourbillonnements qui gagnent sur nous chaque jour davantage, nous verrions se dresser des forces vivantes.
Ce serait, à n’en pas douter, un grand spectacle, et qui aiderait à vivre. Pouvons-nous en dire autant de beaucoup de spectacles de notre monde présent?
Si je me fais attentif à travers ma main, si j’attends la réponse à la question, si petite soit-elle, que j’ai posée, si je patiente, je connaîtrai l’enlacement mobile de toutes choses, le courant qui les unit, tous leurs cristaux. Et la brique me dira la maison, avec ses moindres fêlures ou son plus lointain éclat.
Un homme entièrement attentif connaîtrait entièrement l’univers.
Les sages qui font de la sérénité une condition de toute connaissance ont bien raison, car la paix intérieure nous met en disposition attentive. Rien ne disperse davantage que l’inquiétude et le doute, à moins que le doute ne soit méthodique, se réduisant alors à une prudence de l’esprit.
Dans la perception d’un homme attentif, la réalité se livre : des pans entiers se détachent sous la seule pression de la main, sous un seul regard. Mais la main n’est alors, et le regard n’est lui-même qu’un instrument. C’est toujours au-dedans de nous que la connaissance a lieu, c’est-à-dire dans cet endroit où nous sommes reliés à toutes choses créées.
La paix intérieure, c’est cela, et c’est cela l’attention : c’est un état de communication universelle, un état de réunion.
Or, nous passons le meilleur de notre vie à diviser. Nous sommes en brouille, en contestation avec toutes choses, et d’abord avec nous-mêmes. Ce n’est pas seulement une révolte vaine, c’est une folie coûteuse.
Nous passons notre temps à préférer les idées que nous avons du monde au monde même. L’égoïsme n’est qu’une forme, et très particulière, de cette préférence totale. Ce qui m’empêche de lire dans la pensée d’autrui, ce n’est pas le silence d’autrui, ou même ses mensonges.
C’est le bruit que je fais, dans ma tête, à son sujet. Avant d’aller à lui, je calcule, je pèse et contre-pèse les mérites et les torts, je tire déjà ma conclusion.
Cette conclusion, je la crie dans mes propres oreilles. Je m’enivre d’elle, je m’endors déjà sur elle. Comment pourrais-je m’étonner ensuite de ne pas voir cet homme que j’ai enseveli dans mon vacarme ? Je me suis dressé dans mon armure d’habitudes, dressé moi-même entre lui et moi. Je vais donc me tromper, être trompé, m’établir enfin dans ma solitude — une solitude hostile. Ah ! L’artificielle misère, et comme il serait plus simple de faire attention ! Comme cela nous rendrait heureux !
Le mécanisme de l’attention me fait songer à celui de la mémoire. De même que les premières notes d’une mélodie, retrouvées par hasard, s’accrochent aux suivantes et ressuscitent la musique toute entière, de même la première perception attentive provoque la venue — le retour, devrais-je dire — d’une portion tout entière du monde.
Le retour, oui : l’univers apparaît à la façon d’un souvenir. Le paysage que je découvre, que je suis venu jusque dans la lointaine Amérique pour tenir devant moi, il m’attendait quelque part, je le contenais depuis toujours. Ma perception d’aujourd’hui ne fait que l’actualiser, le rendre urgent. L’attention révèle cette absolue préexistence de toutes les parties du monde en moi. »
– Jacques Lusseyran
Carine Lavigne
Thérapeute et Guide de l'Âme
Soins Energétiques, Guidances Médiumniques, Sophrologie et Accompagnement en Coaching Holistique pour réharmoniser ses émotions et sa relation au monde
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